Difficulté à écrire, à dessiner mais aussi à organiser son cartable. On considère qu’au moins un enfant par classe est dyspraxique. S’il n’est pas possible de guérir de ce trouble neurodeveloppemental moteur, une prise en charge pluridisciplinaire permet de maîtriser le trouble. On fait le point.
Définition
Le terme « dyspraxie » vient du grec « dys » (signifiant manque) et « praxie » (qui signifie action ou mouvement). La dyspraxie est un trouble neurodeveloppemental. « Les parties du cerveau qui commandent les fonctions visuo-spatiales de représentation et/ou de programmation de gestes sont moins efficaces. Ce trouble se définit comme étant un trouble de la conception, de la programmation et de la réalisation des gestes », selon Gabriel Rafi neuropsychologue libéral à Paris et Dubaï. Plus concrètement, l’individu présente dès l’enfance des troubles visuo-spaciaux et/ou moteurs sans handicap physique. « L’enfant présente plus de difficultés que les autres à réaliser des actions simples comme s’habiller. Il apparaît aussi particulièrement maladroit et étourdi. C’est généralement lors de son entrée à l’école que le trouble est décelé : l’enfant n’arrive d’abord pas à dessiner. Par la suite, il éprouvera des lacunes en géométrie ou en géographie. Il a parfois des gestes brutaux », explique le spécialiste. Comme tous les troubles « dys » (dyscalculie, dyslexie, dysphagie,…), la dyspraxie est un trouble inné c’est-à-dire qu’il se présente dès la petite enfance et qu’il apprend à se maîtriser : « Il n’est pas possible de guérir. Le traitement consiste à ‘compenser’ pour apprendre au fil des années à exécuter les tâches avec moins de difficultés. En effet, ce trouble est épuisant pour ces enfants qui s’efforcent à chaque instant de masquer leurs déficiences ». À noter que la dyspraxie constitue un motif fréquent de consultation en service de pédiatrie. Elle correspond au regard du DSM-5 aux Troubles Développementaux de la Coordination (TDC) (source 1). Cependant, le traitement est multidisciplinaire faisant appel à divers professionnels de santé (ergothérapeutes, psychomotriciens, neuropsychologues, orthoptistes …).Quelle est la fréquence de la dyspraxie ?
Selon l’Assurance maladie (source 2), la dyspraxie est fréquente et touche 5 à 7% des enfants de 5 à 11 ans. Les garçons sont 2 à 4 fois plus atteints que les filles, et nous considérons qu’il y a au moins un enfant atteint de dyspraxie par classe scolaire.Causes
La dyspraxie affecte la capacité de l’enfant à réaliser des gestes alors qu’il ne souffre d’aucune anomalie musculaire, ni d’aucun autre problème de santé.Des dysfonctionnements cérébraux
Les symptômes s’expliquent bien par un dysfonctionnement de certaines zones du cerveau : « le lobe pariétal est généralement touché : ce dernier joue un rôle important dans l’intégration des informations sensorielles comme la vision. Il est impliqué dans la vision et la perception de l’espace. Le lobe frontal peut être aussi affecté : ce dernier intervient essentiellement dans la planification, la prise de décision, le raisonnement, le langage et le mouvement volontaire », selon le neuropsychologue Gabriel Rafi. Le psychologue Antonin Commune, présente aussi des études qui font référence à des anomalies de la connexion inter et intra hémisphérique ou encore d’un dysfonctionnement du cortex, du cervelet ou des ganglions de la base (source 3).Une inefficacité des motoneurones
D’autres évoquent aussi des anomalies situées au niveau des motoneurones qui ne se développent pas normalement. Les motoneurones (situés dans le tronc cérébral et dans la moelle épinière) transmettent le message nerveux du cerveau vers les muscles. En cas de dyspraxie, ces derniers seraient moins efficaces.Des causes prénatales et néonatales
- La prématurité du nourrisson: le neuropsychiatre Jean Bergès (1928-2004) nomme la dyspraxie : « syndrome de l’ancien prématuré » (source 3). Notamment les cas de naissance avant la 37ième semaine (source 4) ;
- Un faible poids à la naissance (source 4);
- Des antécédents familiaux de dyspraxie (source 4) ;
- La consommation d’alcool pendant la grossesse (source 5);
- Le tabagisme pendant la grossesse (source 5);
- Des complications lors de la grossesse, au moment de l’accouchement ou encore les premiers jours qui suivent ce dernier. Il s’agirait notamment d’une mauvaise oxygénation du cerveau dans cette période cruciale(source 5). Les traumatismes/accidents au moment de l’accouchement (enroulement du cou avec le cordon ombilical par exemple) ou encore un AVC néonatal sont classiquement montrés du doigt.
Symptômes
Des troubles visio-spatiaux
« Il s’agit de troubles de la perception de l’espace. Les informations visuelles ne sont pas correctement perçues par l’individu. Il a aussi du mal à se repérer dans l’espace et peut présenter des troubles de la latéralisation » :- L’individu a du mal à situer son corps dans l’espace (désorientation spéciale, trouble de la latéralisation, faible sens de l’orientation…) ;
- L’enfant situe mal les objets dans l’espace ;
- Le patient perçoit mal les informations visuelles : il dénombre mal les objets, il a du mal à suivre une trajectoire, il peut en venir à perdre l’équilibre…
Des troubles d’acquisition de la coordination (TAC)
« Cela ressemble à des troubles moteurs, même si les muscles ne présentent aucune anomalie », les dysfonctionnements proviennent du système nerveux central :- L’enfant a du mal à réaliser des mouvements volontaires : « il peut s’agir de gestes simples comme s’habiller ou faire ses lacets ou encore d’actions plus complexes comme faire un dessin, écrire ou accomplir des exercices de géométrie(nous parlons de motricité fine) » ;
- L’enfant est maladroit : il fait tomber des objets par exemple. L’enfant peut paraître malhabile et étourdi ;
- L’enfant peut faire des gestes brutaux.
Conseils de prévention
« Il n’y a aucun moyen d’empêcher le développement de ce trouble qui est inné. Toutefois, il est recommandé d’avoir un suivi paramédical en cas de dyspraxie avérée ». En effet une prise en charge multidisciplinaire permet au patient d’apprendre à gérer le trouble praxique avec de moins en moins de difficultés.Examens
« En France, on estime que seul un médecin (psychiatre, pédiatre ou neuropédiatre…) peut diagnostiquer la dyspraxie grâce à un examen clinique reposant sur le recueil d’informations d’éléments du quotidien et des tests effectués par différents professionnels du paramédical. Toutefois, la prise en charge est pluridisciplinaire », selon le neuropsychologue Gabriel Rafi. En pratique, ce sont les bilans des spécialistes de santé compétents pour la prise en charge de la dyspraxie (psychomotriciens, ergothérapeutes, neuropsychologues, orthoptistes…) qui permettent de dépister cette dernière. Différents tests peuvent être réalisés :- Examens en ergothérapie ou en psychomotricité ;
- Examens neuropsychologiques ;
- Bilanorthoptique et neurovisuel.
Traitements
En raison de la fréquence accrue de la maladie, il existe de nombreux moyens de prise en charge. Le traitement est multidisciplinaire et individualisé.- Psychomotricité : elle aide à prendre conscience de son corps ou à se repérer dans l’espace (difficultés d’orientation ou de latéralisation). Elle permet l’amélioration de la motricité globale (gestes amples) et fines (gestes plus précis) ;
- Ergothérapie: elle travaille sur les troubles neuro-moteurs. Elle permet la rééducation des gestes par des activités manuelles ;
- Orthoptie: il s’agit de corriger les troubles visuels en travaillant sur le déplacement des yeux ;
- Orthophonie: elle corrige les troubles du langage oral et écrit ;
- Neuropsychologie: prise en charge cognitive : mémoire, capacité d’attention, de concentration, d’organisation ou de planification face à des tâches complexes ;
- Un suivi psychologique : il est généralement nécessaire car beaucoup de troubles psychologiques (dépression, troubles anxieux…) mais aussi un isolement sont associés à la dyspraxie.